Portrait d’art-thérapeute : Nathalie Drouault
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amené vers l’art-thérapie ?
N. Drouault : C’est en formation d’éducatrice spécialisée que j’ai découvert le modelage. J’avais 20 ans environ. Je m’intéressais déjà à la peinture et au dessin depuis plusieurs années et je jouais du piano. J’ai tout de suite adoré le contact avec ce matériau qui a la particularité d’interpeller presque tous les sens. Moi, c’est celui du toucher qui m’a le plus parlé, et c’est peut-être ce qui a donné à ma rencontre avec le modelage une dimension différente que celle que je trouvais avec les autres supports artistiques. J’ai continué à modeler ensuite en m’inscrivant dans une association ou en pratiquant chez moi.
Devenue éducatrice, j’ai proposé aux enfants que je suivais en institutions (à caractère social, médico-social, ou en pédopsychiatrie), de participer à des ateliers de peinture ou de modelage. Spontanément, ils se montraient enthousiastes, visiblement contents de profiter d’un espace où leur imagination pouvait se déployer. J’ai constaté qu’il se produisait des changements : par exemple, une baisse de l’agitation, des mouvements régressifs, une faille ou une (re)valorisation narcissique… Je me suis alors interrogée sur le potentiel thérapeutique des médiations artistiques et son impact dans le champ de la psychopathologie. J’ai senti les limites de ma formation d’éducatrice spécialisée et il m’a semblé périlleux de rester dans une approche intuitive, tant pour les patients que pour moi-même. L’art-thérapie répondait à mes attentes et j’ai donc entrepris une formation à l’Hôpital Sainte Anne et à la CMME.
Le cadre de l’atelier doit, malgré cette liberté, rester contenant et rassurant. Je suis donc attentive à chacun mais sans forcément intervenir. Si je le fais, j’essaie généralement de m’appuyer sur l’aspect physique ou technique de leur modelage afin que les enfants puissent faire des liens entre ce qu’ils font et ce qu’ils ressentent. En aucun cas, je ne fais d’interprétation.
Comment définiriez-vous cette discipline ?
N. Drouault : L’art-thérapie, c’est recourir à l’utilisation de médiations artistiques qui deviennent des outils de soin en soutenant l’engagement de la personne dans un processus de création dans un cadre déterminé, c’est à dire en présence d’un thérapeute qui s’est lui-même confronté à ce processus créatif. C’est un type de thérapie qui a l’avantage de ne pas aborder frontalement le symptôme et de passer par des canaux de communication et de relation différents.
À quoi ressemble votre métier d’art-thérapeute ?
N. Drouault : Actuellement, j’encadre deux ateliers de modelage au centre des Petits Lutins de l’Art ; des groupes d’enfants de 7 à 9 ans. L’atelier leur est présenté, ainsi qu’à leurs parents avant que ne commence la prise en charge. Ensuite, ce lieu leur appartiendra comme un espace personnel de création mais aussi de relation. J’encourage leur autonomie et les initiatives car, au début, ils restent dans des fonctionnements scolaires, ils sollicitent mon autorisation à tout propos et attendent que je leur donne la solution quand un problème se présente.
Le cadre de l’atelier doit, malgré cette liberté, rester contenant et rassurant. Je suis donc attentive à chacun mais sans forcément intervenir. Si je le fais, j’essaie généralement de m’appuyer sur l’aspect physique ou technique de leur modelage afin que les enfants puissent faire des liens entre ce qu’ils font et ce qu’ils ressentent. En aucun cas, je ne fais d’interprétation. Ces ateliers donnent lieu à des prises de notes et à des bilans écrits réguliers ; cela permet de garder une trace de l’évolution de l’enfant mais c’est aussi une façon d’organiser sa pensée et sa réflexion. De même, la supervision d’équipe me permet également de soutenir un travail d’élaboration.
Quel regard portez-vous sur l‘art-thérapie dans notre contexte actuel, en France ?
N. Drouault : J’ai le sentiment qu’on méconnaît encore beaucoup l’art-thérapie et qu’en même temps, sous cette même appellation se mélangent des concepts différents. Je pense qu’il y a un problème de statut et de reconnaissance de notre pratique qui ne lui permet pas d’être identifiée en tant que véritable alternative de soin dans le domaine psychothérapique.
Cet entretien avec Nathalie Drouault s’est déroulé en février 2019.